Café
Café du soir...
Il est une liqueur au poète plus chère
qui manquait à Virgile et qu'adorait Voltaire.
C'est toi divin café, dont l'aimable liqueur
sans altérer la tête épanouit le coeur.
Ainsi quand mon palais est émoussé par l'âge,
Avec plaisir encor je goûte ton breuvage.
Que j'aime à préparer ton nectar précieux !
Nul n'usurpe chez moi ce soin délicieux.
Sur le réchaud brûlant moi seul tournant ta graine,
A l'or de ta couleur fait succéder l'ébène :
Moi seul, contre la noix qu'arment ses dents de fer,
je fais en te broyant crier ton fruit amer.
Charmé de ton parfum, c'est moi seul qui dans l'onde
infuse à ton foyer ta poussière féconde ;
Qui tour à tour calmant, excitant tes bouillons,
suis d'un oeil attentif tes légers tourbillons.
Enfin de ta liqueur lentement reposée
dans le vase fumant la lie est déposée :
Ma coupe, ton nectar, le miel américain
Que du suc des roseaux exprima l'Africain,
Tout est prêt. Du Japon l'émail reçoit tes ondes
Et seul tu réunis le tribut des deux mondes.
Viens donc divin Nectar, viens donc, inspire-moi…”
(Delille, Les Trois Règnes de la Natur
Jacques Delille (1738-1813) , né à Clermont Ferrand se révéla très tôt comme un poète doué; habile versificateur, il s'est illustré particulièrement dans une forme de poésie la poésie descriptive qui lui valut la gloire et, à sa mort, le fit considérer comme le plus grand écrivain français ; toutefois , sa poésie descriptive se démoda rapidement et l'oeuvre de Delille est aujourd'hui largement perdue de vue .
On l'appelle souvent "l'abbé Delille" car il avait été nommé abbé de l'abbaye de St Séverin, jusqu'à la Révolution, sans pour autant avoir été ordonné prêtre .