Chez le coiffeur, l'autre jour ...j'ouvre une gazette pendant que la shampouineuse me met en mousse; pub sur Venise et le carnaval qui approche et, en illustration, le palais Labia avec une reproduction d'une fresque de Tiepolo.
Giovanni Battista Tiepolo (1696-1770) que je prenais pour un artiste mineur , voire trop maniériste et que je redécouvre, comme quoi les idées reçues....!
Le palais est orné d'un ensemble de ses fresques : la rencontre d' Antoine et Cléopâtre, le festin de Cléopâtre et au plafond , le Triomphe de Bellerophon sur le temps.
La fresque "le festin de Cléopâtre", commandée par la riche famille Labia, représente Cléopâtre (à droite de la scène) la dernière reine d'Egypte, dînant avec Marc Antoine (au bord opposé) , le général romain venu pour piller le pays; Cléopâtre lui a fait un pari, celui de pouvoir manger en un seul repas pour cent fois mille sesterces.
Au delà de l'anecdote, rapportée par Pline l'Ancien, la fresque représente la rencontre de l'Orient (le turban du serviteur, les costumes chamarrés , comme à l'opéra, l'obélisque au fond...) et de l'Occident (Rome, ses uniformes, les colonnades ...), en pratique , un décor d'opéra dans lequel les riches invités des Labia devaient avoir l'impression que le général romain et la reine d'Egypte les honoraient de leur présence.
Tiepolo est à cette époque un des peintres les plus célèbres en Europe - et des plus chers; essentiellement vénitien, il se représente parfois dans ses oeuvres comme ici :
détail des personnages en haut à gauche, Tiepolo est l'homme au visage tourmenté
Dans la fresque, il nous montre une Cléopâtre plus âgée que dans l'histoire, elle a tout d'une veuve séduisante mais plus de première jeunesse:
Une beauté vénitienne avec cette blondeur si caractéristique; rien à voir avec la vraie Cléopâtre qui, au demeurant était d'origine grecque ; le sein est découvert -elle est toujours représentée avecla poitrine dénudée et souvent fort avantageuse : évocation discrète de la fin de la reine ? reine qui, dit la légende , se donna la mort en se faisant piquer au sein par un aspic :
Guido Reni (vers 1630)
Quoique située à droite en bout de la table du festin, Cléopâtre concentre l'attention comme si elle en était le centre; tous les regards sont tournés vers elle et fixent son geste qui va lui faire gagner son pari:
la main de Cléopâtre (détail)
A la fin du repas, elle se fait apporter une coupe de vinaigre, détache une perle de sa parure, une perle en forme de poire, de grand prix , à laquelle le peintre a donné une taille exceptionnelle; elle la plonge dans le vinaigre qui la dissout et boit ensuite la coupe (ouille!) : elle a gagné son pari. Marc Antoine est séduit, l'Egypte ne sera pas mise à sac...
A dire vrai, je ne suis pas sûr du tout qu'une perle, fût elle de la plus belle eau , puisse se dissoudre dans le vinaigre mais admettons, l'histoire est belle .
Tiepolo a réalisé là son chef d'oeuvre et son plus grand ensemble de fresques; les scènes sont présentées avec fantaisie, raccourcis audacieux, trompe-l'oeil aériens, envols légers, dans une gamme lumineuse de bleus, de roses et de jaunes, et une foule de détails pittoresques et pleins de vie; regardez le petit chien , là haut dans la galerie où l'orchestre joue :
Mais Venise et l'école vénitienne, c'est aussi les Bellini - Gentile et Giovanni - Giorgone et surtout Tiziano Vecellio - dit Le Titien - artiste immense et d'une géniale fécondité picturale; il domine la peinture vénitienne et, après la mort de Giovanni Bellini, devient le peintre officiel de la Sérénissime.pour mémopire , les Guardi, Canaletto mais , pour ma part, je ne les apprécie pas plus que ça.
Un séjour à Venise, avant que les eaux n'aient recouvert la Sérénissime , impose une visite, entre la Galleria dell'Academia et les nombreuse églises de Venise et de Murano, pour donner du soleil à nos yeux en découvrant ces chefs d'oeuvre :
Le Titien - Caïn et Abel - détail du plafond de l'église Santa Maria de la Salute - Venise
Le Titien David et Goliath - Eglise Santa Maria del Salute -Venise- 1540
Le Titien - St Jean Baptiste - église Santa Maria del Salute - Venise -1540
Giovanni Bellini -St Christophe, St Jérôme et St Louis - église San Giovanni Crisostomo - 1513
Giovanni Bellini - la sacra conversazione (entre 1490-1500) - Galleria dell' Academia - Venise
et surtout ne pas manquer ( je parle pour moi...), à la Galleria dell'Academia, la superbe et magnifique madone au Christ bénissant, une des plus belles représentations de la Vierge et de l'enfant , ma préférée entre toutes:
Giovanni Bellini - Madone au Christ bénissant - (1460-64) Galleria dell' Academia - Venise
Pour tout dire , j'ai sabré car l'école vénitienne mériterait bien plus que ce modeste aperçu abordé par le coin de la table et pour une coupe de vinaigre...
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