La Sanch
La procession de la Sanch a lieu chaque vendredi saint à Perpignan depuis 1461 ; elle perpétue une tradition de 6 siècles et manifeste encore la ferveur populaire pour un rite chrétien et pour une institution catalane très fidèlement conservée .
Elle symbolise la passion du Christ, les processionnaires portent des représentations de la passion , " les misteris" soit 40 à 50 kg chacun. Elles sont portées par 4 à 8 hommes dont la tenue est invariablement la même : Robe longue et cagoule en pointe, nommés "Caperutxa", le tout de couleur noire ou rouge éclatant.
Créée par Saint Vincent Ferrier au 15°siècle, la confrérie de la Sanch avait pour vocation de soutenir les condamnés à mort, qui comme Jésus vivaient dans l’angoisse et la solitude leurs derniers moments. Les membres de la confrérie les visitaient les jours précédent l’application de la peine et les menaient à l’échafaud, vêtus de la caparuxte comme le condamné afin que celui-ci ne se fasse pas lyncher en cours de route et aille à la mort dans la « dignité ».
La procession est ouverte par le regidor:
Les signes distinctifs des pénitents sont au nombre de trois
La Caperutxa : Il s'agit de la coiffe conique, mais par extension on nomme ainsi toute la tenue. Elle est noire pour le pénitent et rouge pour le regidor. Le régidor symbolise le condamné à mort que les confrères accompagnent charitablement au gibet.
Le Scapulaire : C'est un objet de dévotion formé de deux morceaux de feutrine bénis réunis par un ruban. Le scapulaire s'attache autour du cou et se porte sous le sac du pénitent. Il symbolise l'appartenance à la confrérie de la Sanch. Ils sont bénis par l'évêque.
La Cordelière : C'est le cordon servant de ceinture. Il permettait autrefois de coincer la traine. Sa couleur distingue la paroisse d'origine du pénitent, le rouge étant pour St Jacques, le blanc pour la Réal, le vert et rouge pour St joseph, le vert pour les Saintes épines de St Matthieu .
Les pénitents doivent être en chaussures noires, le style est libre comme les pénitentes l'ont bien compris:
mais certains vont pieds nus et quand il pleut comme ce vendredi saint , la pénitence est réelle qu'on soit en rouge ou en noir :
par groupe, les pénitents portent des symbôles de la passion, forts lourds , nommés les "misteris" , figures , statuettes , christs en croix, saintes abondamment et artistiquement fleuris:
Haute en couleur, très suivie par de nombreux touristes , elle reste un moment d'intense ferveur malgré la déchristianisation ; la tradition des pénitents n'est pas que catalane ou espagnole ; c'est ainsi que dans le Velay , au Puy en Velay ou à Saugues dans le Gévaudan , la semaine sainte commence par la procession des pénitents , blancs au Puy et à saugues, gris à Avignon et Aix en Provence ; la Sanch à Perpignan a ceci de particulier qu'elle ne représente pas qu'un moment de ferveur religieuse mais évoque une tradition humaniste de haute tenue puisque St Vincent Ferrier avait créé la confrérie pour accompagner les condamnés à mort afin qu'ils meurent dans la dignité .
Si mourir pendu ou roué pouvait avoir quelque dignité ....
Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
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La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A lui n'ayons que faire ne que soudre.
Hommes, ici n'a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
François Villon 1431-?.. (la ballade des pendus)