Je dis « pauvre Fourest » et vous allez comprendre…tout récemment, le sémillant Frédéric Maillot, député du NFP, a demandé que l’on bannisse l’expression « travail au noir » car elle est « négative » (toute la presse a compris « raciste » même si je ne suis pas sûr qu’il ait dit le mot).
Ah bon ?
Moi, je croyais naïvement que le code pénal punit le travail au noir parce qu’il n’est pas déclaré et pas pour cause de racisme.
Ces volontés de bannissements de mots ou d’expressions de la langue française, parfois fort anciens, me font « voir rouge » !
Déjà que les pâtissiers n’ont plus le droit de faire des « têtes de nègre », ces délicieuses pâtisseries de mon enfance, récompense des enfants bien sages le dimanche après la messe.
Alors pourquoi "pauvre Fourest" ?
Eh bien parce qu’il est l’auteur de La Négresse blonde et qu’au rythme des élucubrations de la bien-pensance qui veut nous ré-éduquer (pensée émue pour le bon président Mao…), le retrait de cet ouvrage des librairies et de nos bibliothèques publiques ne saurait tarder.
La Négresse blonde est un recueil poétique de Georges Fourest, paru en 1909 ; oeuvre principale de l’auteur, elle est fortement teintée d'humour satirique.
Le recueil emprunte son titre au premier poème ; avant que la bien-pensance le jette au bûcher (à Nuremberg ?), je vous livre quelques extraits de ce petit brûlot raciste, colonialiste, infect, outrageant pour les bonnes mœurs, fasciste forcément et qu’on n’étudie plus à Sciences-Po depuis belle lurette.
« Cannibale, mais ingénue, elle est assise, toute nue, sur une peau de kanguroo, dans l'île de
Tamamourou!
…. Selon la mode
Papoua, sa mère, enfant, la tatoua: en jaune, en vert, en vermillon, en zinzolin, par millions
oiseaux, crapauds, serpents, lézards, fleurs polychromes et bizarres,
chauves-souris, monstres ailés, laids, violets, bariolés, sur son corps noir sont dessinés.
Sur ses fesses bariolées on écrivit en violet deux sonnets sibyllins rimes par le poète
Mallarmé et sur son ventre peint en bleu fantastique se mord la queue un amphisbène.
L'arête d'un poisson lui traverse le nez, de sa dextre aux doigts terminés par des ongles teints au henné, elle caresse un échidné, et parfois elle fait sonner en
souriant d'un air amène
à son col souple un beau collier de dents humaines,
La belle
Négresse, la
Négresse blonde !....... »
Je commence à comprendre l’idée de ce bon député : certaines couleurs sont racistes et les pouvoirs publics ne semblent pas y avoir prêté attention.
Ainsi les autorités qui déploraient récemment un « vendredi noir » pour qualifier les inondations du sud-est, les cafetiers qui vous servent un « petit noir » (et au zinc, en plus !), la médiathèque de mon quartier où « L’île noire » des aventures de Tintin est laissé à la vue des petits innocents de 7 à 77 ans, le Quai du Polar qui, chaque année à Lyon célèbre les romans de la « Série noire », ma voisine qui ne jure que par les chats noirs (elle en a trois, imprudemment proposés par la SPA) et j’en passe.
Mais ce n’est pas tout !
Ainsi, dans les Pyrénées Orientales, le Train Jaune, fierté des Catalans qui relie Villefranche de Conflent à la Cerdagne, de même vous ne pourrez plus avouer que vous êtes « jaune de jalousie » ni que « vous êtes marron » parce que votre voiture électrique est une daube et restez sobre car vous ne pourrez plus rentrez « noir » chez vous après une soirée entre copains et que vous avez passé « une nuit blanche », hé, hé ! les blancs aussi ont leur susceptibilité, c’est raciste de dire « sale blanc » et n’ajoutez pas : t’as vu ce con…il est blanc comme un linge ! »…vous risqueriez de vous faire « saigner à blanc ! »
Mais vous pourrez encore, sans risque, « n’y voir que du bleu » en prêtant foi aux promesses du Président et « voir la vie en rose » surtout si vous « sortez du rouge » après une bonne affaire.
Mais quid du Mont Blanc ? Car dans l’Aude, il y a la célèbre Montagne Noire : là, j’exige la parité : ou on laisse les deux ou on les change ?
En bref, ces élucubrations d’un député qui « dresse un tableau noir » des usages de la langue française pourraient me donner « du bleu à l’âme » à défaut de pouvoir « rire jaune » car il ignore manifestement que cette expression vient du moyen-Age qui interdisait l’emploi des personnes après la tombée de la nuit.
Allez, chères lectrices, procurez-vous « la Négresse blonde » chez un bouquiniste avant que l’ouvrage ne soit interdit à la vente et si vous trouvez d’autres expressions un peu trop racisées (les blanches et les jaunes comprises, pas de sectarisme !), faites-vous plaisir, meublez-en votre conversation à tout-propos.