Que de qualités ne prête - t on pas à ceux qui disparaissent; les voici parés de toutes les vertus et leurs ennemis d'hier qui les daubaient et pas toujours par devant, y aller de leur couplet; le disparu se voit couvert de louanges et pas à la brosse , non, à la truelle !
C'est un peu à cela que me fait penser ce concert d'éloges venant de tout bords pour saluer Philippe Seguin qui vient de décéder; à les lire, il n'avait que des admirateurs , voire des amis (de trente ans ?) quand, de son vivant, homme politique incommode, il n'a pas manqué d'être attaqué voire vilipendé .
Depuis sa nomination de président de la Cour des Comptes, institution à laquelle il a rendu son autorité et dont il a modernisé les méthodes de travail (c'était pas du luxe), il n'a cessé de fustiger les mauvaises pratiques des administrations, de mettre en garde les gouvernements sur les dangers des déficits publics, autant d'occasions de se faire des amis et certains qui vantent aujourd'hui son sens élevé de la République et de l'intérêt général sont les mêmes qui ont laissé lettre morte les recommandations des rapports de la Cour des Comptes .
Les abus et les dérives, il n'a cessé de les dénoncer; ainsi, en octobre 2009, celles de la présidence française de l'UE à Paris :"Il y a eu un certain nombre de dérives et un certain nombre d'erreurs" ajoutant "épisode pas très glorieux" ce qui, dans sa bouche , a plus que son sens littéral.
Ce personnage incommode, tempétueux, difficile ne m'inspirait pas d'empathie mais je lui reconnais son courage politique, sa hauteur de vue, bien supérieure à beaucoup de ses confrères, minables langues de bois quand ils ne sont pas les toutous du chef ; pas lui et je lui sais gré d'avoir réveillé cette belle endormie de la rue Cambon autant par la rigueur lucide et implacable de ses rapports que par sa volonté d'en moderniser le fonctionnement , de reprendre en mains les chambres régionales des comptes , trop souvent peuplées de Raminagrobis voulant échapper à son autorité.
Que restera t-il de cette volonté ? tout dépendra de la stature de son successeur.
De lui, je retiendrai surtout l'homme de convictions, celui qui savait, sans détour de langage, les exprimer et les défendre et quel langage !
Qu'on en juge par cet extrait de son intervention devant l'Assemblée nationale le 17 septembre 1981 lors du débat pour l'abolition de la peine de mort à laquelle il était viscéralement opposé ; on dit hauteur de vue, respect des convictions de ceux que l'on combat, il y a tout cela dans son intervention: un grand moment d'éloquence que vous trouverez
ici , et dont voici un bref extrait :
"Ayons le courage de reconnaître que la générosité, la noblesse du sentiment ne sont pas le privilège de l'un ou l'autre camp, que le respect ce la vie et le souci de la paix sociale sont des préoccupations dont on peut bien admettre sans déchoir qu'elles sont partagées. "
Au milieu de tous ces éloges, pas toujours sincères , il est difficile de se faire une idée fidèle de cette personnalité riche et forte qui aura marqué trente ans de la vie politique en France et de l'histoire du gaullisme ; je retiendrai la formule qui revient le plus souvent ça et là : " l'Etat a perdu un grand serviteur".
...et le football, un ardent défenseur .