Une réflexion intelligente de JC Guillebaud dans son bloc notes du 23 mai dans l’hebdomadaire « La Vie » sur l’inculture de nos décideurs .
Partant d’affaires récentes de corruption supposée , il redonne à ce terme son sens étymologique – la décomposition- et l’applique à nos élites en s’interrogeant sur l’état de leur « culture démocratique » .
Sans excès de plume car ce n’est pas son style mais avec acuité, il observe que « l’inculture gagne du terrain dans la classe politique ».
Relevant que « le rabâchage médiatique des métaphores, l’usure du langage, l’usage d’épithètes passe partout (super , cool, sympa…) font craindre la prophétie de Jonathan Swift (l’auteur des voyages de Gulliver) qui redoutait que le concassage progressif du vocabulaire par le parler de tous les jours ne finisse par ruiner la pensée elle-même ».
Ainsi remarque JC Guillebaud « une petite voix nous chuchote que le pire est peut être à craindre : l’installation subreptice d’une approche rudimentaire de la réalité, gouvernée par les seuls graphiques, taux d’écoute et autres chiffres bruts ; Ce serait une forme douce de barbarie. D’ores et déjà, les hommes politiques donnent l’impression d’être avant tout des enfants de la télévision (Ségolène , Srakozy).Lorsque l’un d’entre eux, à l’instar d’un Bruno Le Maire , écrit lui-même un vrai et beau livre (Jours de pouvoir – Gallimard), on crie au miracle ! ».
Je suis épaté (sidéré ?) par la capacité des hommes politiques (et des femmes) à pisser de la copie pour justifier leur action, raconter leur vie, étaler leurs idées (ouais , hum…) , plus prolixes dans une courte carrière que certains lauréats du prix Goncourt , comme si nous pouvions croire un instant qu’ils ont écrit leurs bouquin eux-mêmes.
Plus encore , je suis consterné par le contraste entre leur appétance effrénée à l’exposition médiatique et la vacuité du discours politique qu’ils veulent mettre dans leurs déclarations .
JC Guillebaud , habituellement serein et optimiste, conclut , désabusé , que « la culture qui était la règle , devient l’exception. Or elle seule permet de prendre en compte le long terme c'est-à-dire ce précieux « temps des hommes » et de l’Histoire que profane mécaniquement la société marchande qui, elle, n’obéit qu’à l’immédiateté ».
Je lis chaque semaine avec attention le billet de cet ancien journaliste du Monde (heureusement , il en est parti à temps !) ; bien souvent , il fait surgir dans un discours clair, concis et formé , ce que parfois on peut ressentir sans savoir l’exprimer, ni l’argumenter; on a une grosse pépite encore dans sa guangue, il en fait sortir une pierre de la plus belle eau ; on se sent plus intelligent.
On peut lire l’intégralité de son billet sur cette page.