11 novembre
90 ans après la fin de la der des der - la première der des der pourrait on dire - les évocations fleurissent.
J'ai pioché ça et là dans la presse
Dans le Journal du Dimanche :
- le billet de Bernard Pivot est consacré à l'inoubliable auteur de Clochemerle, Gabriel Chevallier:
B. Pivot souligne fort justement que le succès de Clochemerle a fait oublier complètement le livre consacré par G. Chevallier à sa guerre."La Peur" que j'avais lu dans les années 80 est plus saisissant encore que "le Feu" de Barbusse ou "Les Croix de Bois " de Roland Dorgelès.
Paru en 1930 il raconte les quatre ans de guerre de l'auteur , dans l'infanterie en première ligne; sa plume est incisive, féroce pour les chefs, crue pour décrire ce qu'il voit et surtout il parle de la peur, celle de tous les soldats, à l'encontre des fanfaronnades des va -t-en guerre.On comprend aussi que son livre n'ait pas eu le succès mérité:ces matamores ont été en 1930 scandalisés par ce témoignage; il fallait que le soldat français fût conforme à l'image du héros.
"Lorsque la peur devient chronique, écrit-il, elle fait de l'individu une sorte de monomane. Les soldats appellent cet état le cafard. En réalité, c'est une neurasthénie consécutive à un surmenage nerveux. Beaucoup d'hommes, sans le savoir, sont des malades, et leur fébrilité les pousse aussi bien au refus d'obéissance, aux abandons de poste, qu'aux témérités funestes. Certains actes de courage n'ont pas d'autre origine."
D'ailleurs, comme le fait remarquer Bernard Pivot, il ne figure même pas dans le Dictionnaire de la Grande Guerre 14-18 qui vient de paraître : un comble ! Il vient fort heureusement , nous dit Pivot, d'être réédité par les éditions Le Dilettante (pour 22 €) mais on le trouvait aussi au Livre de Poche naguère.
Si la guerre de 14 -18 vous intéresse je vous resignale aussi ce livre de Roger Fraenkel , un journaliste belge , sur le maréchal Joffre, pas complaisant pour deux sous puisqu'il démontre (avec pertinence) la nullité de ce glorieux chef de guerre; on sort indigné ou déprimé de cette lecture ; le titre résume bien la charge " Joffre, l'âne qui commandait des lions" (éd. Italiques - 2004)(1) ; et pour faire bonne mesure dans cette mini bibliographie, Pierre Miquel a publié en 2006 un petit opuscule, "le Gâchis des généraux" (chez pocket n°11640) qui montre ce qui a été pendant longtemps hors de question d'évoquer, l'aveuglement et l'incompétence des généraux (enfin, pas tous, bien sûr); les avatars du film de Stanley Kubrick " les sentiers de la gloire" (Paths of glory) tourné en 1957, interdit de projection en France pendant une vingtaine d'année, sont l'exemple parfait de cette censure non dite: l'honneur et la crédibilité de l'armée...vous vous rendez compte !! Un film à voir et à revoir et Kirk Douglas en colonel Dax y est impressionnant (2).
- le der des der
On sait tous qui fut le premier tué de la gande guerre; je ne savais rien du dernier soldat mort dans ce conflit.
Sauf les érudits, qui connaissait Augustin Trébuchon, berger de Lozère , fantassin du 415 ème régiment d'infanterie, tué à 1Oh40 vers Dom le Mesnil près de Vrigne sur Meuse dans les Ardennes?
Le 415ème avait reçu l'ordre de continuer les combats et de passer la Meuse alors que l'armistice était connu , signé à 5h du matin à Rethondes, un pli télégraphique était arrivé vers 9h45 en première ligne; Augustin Trébuchon est tué d'une balle.
Mais le plus navrant est que sa mort est réputée avoir eu lieu le 10 novembre, aussi bien sur le monument aux morts que sur le registre d'état civil de sa commune comme pour le 20 autres soldats du 415ème RI; pourquoi ? parce que pour le commandement, cette opération aurait été difficile à justifier à posteriori…
Les Anglais n'ont pas eu cette hypocrisie , ils ont même rendu hommage à A. Trébuchon dans ce monument érigé dans la Somme; la France, jamais.
Allez, on va terminer sur un bon mot au détriment de ces généraux de la grande guerre, rigides dans leurs bottes , aux conceptions tactiques dont l'ineptie n'a d'égal que l'inefficacité :« dans la position du garde-à-vous les talons se joignent et la cervelle se vide ».
Hé, hé, ce n'est pas du nicéphore, c'est le Maréchal Lyautey qui l'a dit .
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(1) cf ce site pour une analyse plus détaillée du livre, quoique un peu engagée.
2) Le film montre le jugement sommaire puis l'exécution pour l'exemple de trois soldats de Dax alors que leur général avait fait tirer sur leur régiment pour leur interdire de se replier. Le scénario s'inspire , hélas, de faits réels :le général Revilhac a effectivement voulu faire tirer sur son propre régiment bloqué dans les tranchées lors d'un assaut impossible, puis il a fait exécuter quatre soldats en mars 1915, qui seront réhabilités en 1934.
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