sonnet à Cassandre
Un peu de légèreté aujourd'hui ; Guy Béart avait mis en musique et chantait fort bien ce sonnet de Pierre Ronsard:
Pour Cassandre
Quand au temple nous serons
Agenouillez, nous ferons
Les dévots selon la guise
De ceux qui, pour louer Dieu,
Humbles se courbent au lieu
Le plus secret de l'Eglise.
Mais quand au lict nous serons
Entrelassez, nous ferons
Les lassifs selon les guises
Des amans qui librement
Pratiquent folastrement
Dans les draps cent mignardises.
Pourquoy donque, quand je veux
Ou mordre tes beaux cheveux,
Ou baiser ta bouche aimée,
Ou toucher à ton beau sein,
Contrefais-tu la nonnain
Dedans un cloistre enfermées?
Pour qui gardes-tu tes yeux
Et ton sein délicieux,
Ton front, ta lèvre jumelle?
En veux-tu baiser Pluton
Là-bas, après que Charron
T'aura mise en sa nacelle?
Après ton dernier trespas,
Gresle, tu n'auras là-bas
Qu'une bouchette blesmie:
Et quand mort je te verrois,
Aux ombres je n'avouerois
Que jadis tu fus m'amie.
Ton test n'aura plus de peau,
Ny ton visage si beau
N'aura veines ny artères:
Tu n'auras plus que les dents,
Telles qu'on les voit dedans
Les testes des cimeteres.
Donque, tandis que tu vis,
Change, maistresse, d'avis,
Et ne m'épargne ta bouche:
Incontinent tu mourras,
Lors tu te repentiras
De m'avoir esté farouche.
Ah! Je meurs! Ah! Baise-moy!
Ah! Maistresse, approche-toy!
Tu fuis comme un fan qui tremble:
Au moins souffre que ma main
S'esbate un peu dans ton sein,
Ou plus bas, si bon te semble.
Les meslanges (1555)
Elle sera à Ronsard, ce que Beatrice a été à Dante et Laure à Pétrarque.
Cassandre va lui permettre de célébrer l'amour platonique.
Belles lectrices, ne soyez ni offusquées ni mélancoliques ni rien d'autres que séduites par le talent du poète et si vous avez sous la main une compilation des chansons de Béart, écoutez comment il traduit finement toutes les nuances de ce sonnet; comment , après, nous faire tant languir ?