Ne fuyez pas, belles lectrices, rien de graveleux dans cette invite car vous avez reconnu les premiers vers du célèbre sonnet de Louise Labé.
Louise Labé , dite la belle Cordière ou encore la Belle rebelle, est née à lyon vers 1520-1526 ; son père était cordier ; elle même fut mariée à un cordier de 30 ans son ainé; ce n'est sans doute pas à lui que s'adressaient les vers brûlants de ce sonnet :
Baise m'encor, rebaise-moi et baise;
Donne m'en un de tes plus savoureux,
Donne m'en un de tes plus amoureux:
Je t'en rendrai quatre plus chauds que braise.
Las ! te plains-tu ? Çà, que ce mal j'apaise,
En t'en donnant dix autres doucereux.
Ainsi, mêlant nos baisers tant heureux,
Jouissons-nous l'un de l'autre à notre aise.
Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soi et son ami vivra.
Permets m'Amour penser quelque folie:
Toujours suis mal, vivant discrètement,
Et ne me puis donner contentement
Si hors de moi ne fais quelque saillie.
Elle fut, dit on, une grande amoureuse, elle qui se serait donnée à 16 ans à un homme de guerre, si l'on en croit ce qu'elle nous en dit :
" Je n'avais vu encore seize hivers
Lorsque j'entrai en ces ennuis divers "
mais il faut retenir d'elle, outre l'admirable poétesse, la femme étonnante pour son temps qui plaidait pour un plus juste équilibre dans les relations entre les hommes et les femmes et dont les amours nombreuses qu'on lui prêta n'étaient que la volonté et le désir de disposer de sa vie.
Une des premières, aussi, à donner voix à l'expression féminine de la passion: une femme peut oser déclarer son désir sans attendre de se sentir désirée:
"Je vis, je meurs: je me brûle et me noie,
J'ai chaud extrême en endurant froidure;
....."
et qui disait "le plus grand plaisir qu'il soit après l'amour, c'est d'en parler ".
D'elle, on pourrait écrire encore beaucoup plus ; laissons nous emporter par la vie qui jaillit de ses poèmes, sensuelle et forte et brûlante de passion exprimée.
Elle fut une des plus grandes représentantes de l'Ecole lyonnaise de poésie de la Renaissance avec Pernette du Guillet et Maurice Scève .
Elle inspira bien des vers aux hommes qui aimèrent cette femme libre ; bien plus tard, même Aragon :
Je l'imagine, elle a les yeux noisettes
Je les aurais pour moi bleus préférés
Mais ses cheveux sont blonds comme vous êtes
ô mes cheveux mordorés et dorés
Mais elle disait si bien l'Amour :
"Ô doux regards, ô yeux pleins de beauté
Petits jardins pleins de fleurs amoureuses
Où sont d'Amour les flèches dangereuses,
Tant à vous voir mon oeil s'est arrêté !"
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