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  • Petit matin


    Je te reconnaîtrai aux algues de la mer
    au sel de tes cheveux aux herbes de tes mains
    Je te reconnaîtrai au profond des paupières
    je fermerai les yeux tu me prendras la main

    Je te reconnaîtrai quand tu viendras pieds nus
    sur les sentiers brûlants d'odeurs et de soleil
    les cheveux ruisselants sur tes épaules nues
    et les seins ombragés des palmes du sommeil

    Je laisserai alors s'envoler les oiseaux
    les oiseaux longs- courriers qui traversent les mers
    Les étoiles aux vents courberont leurs fuseaux
    les oiseaux très pressés fuiront dans le ciel clair

    Je t'attendrai au plus haut de la plus haute tour
    où pleurent nuit et jour les absents dans le vent
    Quand les oiseaux fuiront je saurai que le jour
    est là marqué des pas de celle que j'attends

    Complice du soleil je sens son corps mûrir
    de la patience aveugle et laiteuse des fruits
    ses froides mains de ciel lentement refleurir
    dans le matin léger qui jaillit de la nuit.

    Claude Roy   (le poète mineur)

    picasso - l'odalisque  1951.jpg

    Picasso - l'odalisque 1951