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"Où, penchés à l'avant de blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles."
D'un seul coup ces vers de José Maria de Hérédia ont surgi en ma mémoire , quand , levant le nez en l'air, dans la ville - je ne dirai pas laquelle - ce coin d'un vieil hôtel particulier s'est offert à ma vue :

Les conquérants
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroique et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango murit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré;
Où, penchés à l'avant de blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.
José-Maria de Hérédia (1842-1905)
Voici un poème appris à l'école primaire, je devais être en CM2 et ces vers , tant d'années après , me font rêver comme la première fois, comme avec Jean de la Ville de Mirmont que j'ai découvert beaucoup plus tard :
"Car j'ai de grands départs inassouvis en moi ".
"Vaisseaux, nous vous aurons aimés en pure perte ;
Le dernier de vous tous est parti sur la mer.
Le couchant emporta tant de voiles ouvertes
Que ce port et mon coeur sont à jamais déserts.
La mer vous a rendus à votre destinée,
Au-delà du rivage où s'arrêtent nos pas.
Nous ne pouvions garder vos âmes enchaînées ;
Il vous faut des lointains que je ne connais pas.
Je suis de ceux dont les désirs sont sur la terre.
Le souffle qui vous grise emplit mon coeur d'effroi,
Mais votre appel, au fond des soirs, me désespère,
Car j'ai de grands départs inassouvis en moi."
l’Horizon chimérique/V
Jean de La Ville de Mirmont est mort à 27 ans , tué au front le 28 novembre 1914.
Lorsqu'il fut mobilisé en 1914, Jean de La Ville de Mirmont laissa sur son bureau ces quelques vers:
"Cette fois, mon coeur, c'est le grand voyage;
Nous ne savons pas quand nous reviendrons.
Serons-nous plus fiers, plus fous ou plus sages?
Qu'importe, mon coeur, puisque nous partons!
Avant de partir, mets dans ton bagage
Les plus beaux désirs que nous offrirons.
Ne regrette rien, car d'autres visages
Et d'autres amours nous consoleront.
Cette fois, mon coeur, c'est le grand voyage."
Les poètes sont de sublimes et tragiques visionnaires.
Lever le nez au ciel ...et partir en voyage....
nicéphore poète