9 août 1777
A Sophie :
« J’ai été toute la nuit occupé de toi et cependant j’ai dormi ; mais je me suis réveillé vingt fois. Ces moments là sont bien cruels ; on vient de voir tout ce qu’on adore ; on se hâte de profiter de son bonheur, et,dans l’instant où l’on croit le saisir, l’on s’aperçoit, avec une désolante surprise , qu’il a fui.
Mon amie bonne, tu éprouves souvent ce sentiment douloureux ; ainsi, je n’ai que faire de t’en déceler toute l’amertume.
Le jour on n’est pas la proie de ces méprises, parce que l’illusion n’est jamais si complète ; mais la nuit on arrose le chevet de ses larmes, et, cependant, on y enfonce la tête pour retrouver son erreur ".
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lettre de Mirabeau à Sophie de Monnier
Les lettres de Mirabeau à Sophie de Monnier sont chaudes , brûlantes souvent , exaltées , à l'image de leur auteur , un des plus puissants tribuns de la Révolution.
Gabriel de Mirabeau est né en 1749; son père , le marquis de Mirabeau fut avec lui d'une rigueur extréme , obtenant son emprisonnement à plusieurs reprises par lettre de cachet pour le punir de ses frasques .
C'est pendant sa dernière captivité au fort de Joux , à Pontarlier , qu'il fit la connaissance de Sophie, dont il devint passionnément amoureux et réciproquement , au point de s'enfuir ensemble dans les Provinces Unies où ils furent arrêtés et ramenés en France et Sophie , enfermée dans un couvent .
Emprisonné à Vincennes pendant 42 mois en 1777, il y écrivit beaucoup, en particulier à sa maîtresse.
Leur correspondance nous est restée et fut publiée très tôt, en 1792, sous le titre de "Lettres à Sophie"; dans ces lettres enflammées, il la para de tous les charmes , ceux dont la nature lui avait fait don et ceux , plus nombreux encore , que son imagination se plut à lui donner.
De son vrai nom, Marie Thérèse de Ruffey, elle avait épousé à 16 ans le marquis de Monnier âgé de 65 ans , ancien premier président à la Cour des comptes de Dôle ; Mirabeau immortalisa la marquise de Monnier sous le nom de Sophie .
Leurs amours , partagés au début se terminèrent tragiquement : Mirabeau de retour à Paris se détacha de Sophie ; celle ci se donna la mort en 1789, à 35 ans .
Mirabeau ne lui survécut que 2 ans ; il mourut de maladie et d'épuisement en 1791.
10 novembre 1777
Mirabeau à Sophie :
"..................................L'image qui me réfléchit le passé, vers lequel le désir et l'amour m'entrainent, me rend le présent plus horrible et l'avenir plus redoutable.
Jamais ta présence n'excita en moi un amour plus brûlant, des désirs plus violents que ceux qu'allume ton souvenir, et leur impétuosité aiguise le tourment des privations ................"
La force de l'imagination et du rêve ...
Mirabeau