J'ai déjà évoqué dans un billet la poétesse Louise Labé qui vécut au 16ème siècle à Lyon (1524-1566); fille d'un cordier , elle épousa (on lui fit épouser , il a 30 ans de plus qu'elle) un riche marchand...de cordage , ce qui n'explique que son surnom car elle est connue avant tout pour sa poésie, délicate , sensuelle, enflammée souvent, de petits chefs d'oeuvre de sentiments où la passion ne fait pas qu'affleurer , elle explose parfois comme dans ces quatrains , les plus connus sans doute:
Baise m'encor, rebaise moy et baise :
Donne m'en un de tes plus savoureus,
Donne m'en un de tes plus amoureus :
Je t'en rendray quatre plus chaus que braise.
Las, te pleins tu ? ça que ce mal j'apaise,
En t'en donnant dix autres doucereus.
Ainsi meslans nos baisers tant heureus
Jouissons nous l'un de I'autre à notre aise.
......................................
Avec ça , certains lui firent une réputation de courtisane , Calvin, depuis Genève, se répandit en horreurs sur elle mais elle fut admirée par les poètes de son temps , notamment Maurice Scève (1501-1564), Jean-Antoine de Baïf, Pontus de Tyard et Olivier Magny qui fut , semble t-il , un de ses amants et qui lui inspira certains de ses plus beaux vers.
Louise Labé était une femme accomplie , excellente cavalière , maniant parfaitement les armes , grande lectrice, tenant dans sa maison un salon réputé, parlant le latin et l'italien et soucieuse de la place des femmes dans la société : c'est elle qui priait " les vertueuses dames, d'élever un peu leur esprits par dessus leurs quenouilles et leurs fuseaux …".
Les outrances amoureuse s qui lui furent prêtées n'étaient que son désir de disposer de sa vie , elle ne s'en priva pas ; elle est la première femme à donner voix à l'expression féminine de la passion: une femme peut exprimer son désir sans attendre d'être désirée:
Tant que longs désirs place en moi tiendront,
Et tristes soupirs se feront un gitte :
Tant que sans tarir mes yeus se despitent,
Et que sang et chair d’eau se défayront ...
La ville de Lyon a honoré son souvenir mais de bien curieuse façon en lui donnant le nom d'une rue (quelle chance , mon bureau est rue Bellecordière...) ... qui n'est pas celle où se situe un des immeubles où elle vécut, rue bizarrement attribuée à un dénommé Louis Paufique , honorable ophtalmologiste du temps passé (1899-1941).
Courte vue , dirais je .
Belles lectrices , lisez quelques sonnets de Louise Labé ( son nom de plume "Labé" évoque évidemment le mot latin "labia" lèvre), elle qui fit de l'amour sa liberté et qui sut si bien en évoquer les affres :
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie.
J'ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m'est et trop douce et trop dure.
J'ai grands chagrins entremêlés de joie :
En même temps je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint durs tourments j’endure ;
Mon bonheur fuit, et à jamais il dure :
En même temps je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène :
Et quand je pense voir douleur empirer,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis quand je crois ma joie être certaine
Et être au haut de l’instant désiré,
Il me remet en mon malheur premier.. - Sonnet VIII -
Vous aurez ici l'intégralité de ses sonnets dans la langue de son époque et avec une trancription en français moderne mais parler d'amour a t - il besoin de transcription ?